Violences conjugales et féminicides en France
Dans les couples, un meurtre est enregistré tous les deux jours. En 2019, cela a concerné 146 femmes, 27 hommes et 25 enfants. Afin de pouvoir intervenir en amont, le législateur a voulu que le médecin puisse transmettre ses observations au procureur de la République s’il estime qu’il existe un risque vital. Ces actes ont été qualifiés par la société civile de « féminicides ».
On estime même en France à plus de 210.000 en moyenne chaque année le nombre de violences physiques et/ou sexuelles faites aux femmes commises par leur conjoint ou leur ex-conjoint.
Comme ces violences sont souvent répétées, les pouvoirs publics ont cherché à les stopper avant qu’il ne soit trop tard.
Organisé en 2019, le Grenelle des violences conjugales s’est emparé de ces questions. Il a compris des représentants de la HAS et du conseil national de l’Ordre des médecins, a débouché sur une nouvelle loi, qui encadre strictement la levée du secret médical.
Rappelons qu’en cas de sévices ou de privations sur des mineurs ou des personnes qui ne sont pas en mesure de se protéger en raison de leur âge ou de leur état physique ou psychique, une dérogation au secret médical avait déjà été introduite (article R.4127-44 du code de la santé publique). Une des motivations du législateur tient au fait que trop fréquemment les victimes se réfugient dans le silence.
Que dit la loi du 30 juillet ?
La nouvelle loi, applicable depuis le 31 juillet 2020, a étendu les possibilités de signalement des violences conjugales (loi n°2020-936).
Elle est applicable « au médecin ou à tout autre professionnel de santé qui porte à la connaissance du procureur de la République une information relative à des violences exercées au sein du couple relevant de l'article 132-80 du code pénal, lorsqu'il estime en conscience que ces violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et que celle-ci n'est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l'emprise exercée par l'auteur des violences. Le médecin ou le professionnel de santé doit s'efforcer d'obtenir l'accord de la victime majeure ; en cas d'impossibilité d'obtenir cet accord, il doit l'informer du signalement fait au procureur de la République ».
Du constat au signalement
Lever le secret médical n’est possible si et seulement si deux conditions sont réunies :
- il faut que les violences mettent la vie de la victime majeure en danger imminent
- et que la victime se trouve sous l'emprise de l’auteur des violences.
Un outil d’évaluation des risques a été élaboré pour aider le médecin à mieux apprécier la situation.
Le Vademecum « Secret médical et violences au sein du couple » détaille les étapes à suivre et apporte des éclairages. Il donne par exemple une définition complète du concept d’emprise à la page 28.
Il comprend aussi des questions de base qui peuvent permettre au soignant de se faire un jugement :
- L’ancien partenaire cherche-t-il à connaitre où habite la victime ?
- La victime indique-t-elle que son partenaire ou ancien partenaire utilise les enfants pour lui faire du chantage ?
- La victime paraît-elle en situation de dépendance financière ?
- Son partenaire l’empêche-t-elle de disposer librement de son argent ?
- Le partenaire de la victime lui confisque-t-il ses documents administratifs (papiers d’identité, carte vitale etc.) ?
Un dossier envoyé par mail
Le signalement judiciaire, dont le formulaire figure des pages 5 à 7 du Vademecum, est soumis aux règles rédactionnelles de prudence concernant le recueil des faits ou commémoratifs et des doléances exprimées par la personne.
En voici les trois points :
- Faits ou commémoratifs : noter les déclarations de la personne entre guillemets sans porter aucun jugement ni interprétation.
- Doléances exprimées par la personne : les noter de façon intégrale et entre guillemets.
- L’examen clinique doit être précis (légions physiques, état psychique) et ne pas donner lieu à interprétation ou ambiguïté.
Il convient aussi de mentionner si la victime est d’accord avec la procédure.
Le signalement doit être envoyé à l’adresse mail structurelle de la permanence du parquet compétent, c’est-à-dire du lieu des faits. Ces mails sont traités en temps réel et un accusé de réception est automatiquement émis.
C’est alors au procureur de la République, compte tenu du danger immédiat, de prendre les mesures de protection adéquates à l’égard de la victime des faits rapportés.
Un cadre légal protecteur
Cependant, ce nouveau dispositif légal crée la possibilité, et non pas l’obligation de faire ce signalement.
Sa philosophie est de faciliter la levée du secret médical. En effet, la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire du médecin ne saurait être engagée, sauf s'il est établi qu'il n'a pas agi de bonne foi.
Baisse des violences en 2020 malgré le confinement
Il est trop tôt pour tirer un bilan de la loi du 30 juillet 2020.
Mais elle est toujours d’actualité, car 90 femmes sont encore tombées sous les coups de leur compagnon ou de leur ex-compagnon en 2020, même si ce chiffre s’inscrit en baisse par rapport à 2019.
Il s’agit là d’une surprise, puisque les associations s’attendaient à des statistiques bien pires. La plateforme arretonslesviolences.gouv.fr avait en effet enregistré une hausse de 60% de signalements pendant le second confinement.
Certaines mesures portent peut-être leurs fruits, comme :
- les bracelets anti-rapprochements
- les « téléphones grave danger » (au nombre de 1.274)
- les ordonnances d’éloignement prononcées par le Juge.
Puisse 2021 confirmer cette tendance.
L’Ordre des médecins souligne l’importance du Vademecum et indique comment l’institution ordinale aborde ce sujet.
Télécharger le Vademecum destiné aux professionnels
Les violences intrafamiliales en question
Le Dr Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi, Vice Présidente du Conseil national de l'Ordre des médecins, nous explique pourquoi l'institution ordinale s'est engagée dans la lutte contre les violences conjugales