La question de l’intérim médical a longtemps été un sujet tabou. Il s’agit de médecins qui sont recrutés par des agences d’intérim ou via des contrats de gré à gré pour venir réaliser une mission à l’hôpital, souvent dans l’urgence. Leur présence permet d’assurer la continuité des services hospitaliers, faute d’effectifs suffisants.
Certains services en sont très dépendants comme les urgences et les blocs opératoires.
Ce système génèrerait un surcoût pour l’hôpital de 500 millions d’euros par an. Il concernerait plus de 5.000 médecins, attirés par des revenus plus élevés et par les avantages du statut de freelance.
D’après les responsables hospitaliers, ces remplaçants peuvent être rémunérés plus de 1.200 euros la garde, le double parfois en période estivale ou les jours fériés.
Une rémunération plafonnée
Lorsqu’il était encore député socialiste, le ministre de la Santé, Olivier Véran, dénonçait déjà la perversion de ce système d’intérim dans un rapport en 2013. Dans cette intervention enregistrée en février dernier, Olivier Véran s’opposait au quoi qu’il en coûte à l’hôpital.
Face à ce phénomène, la loi Rist prévoyait plusieurs garde-fous :
- Un plafonnement d’une mission de 24 heures à 1.170 euros brut, soit 950 euros net.
- Et un volet punitif. En cas de violation de ce plafond, le comptable public pouvait rejeter le paiement et l’agence régional de santé pouvait saisir le tribunal administratif.
À l’hôpital, cette nouvelle règle placerait de facto les directeurs d’hôpitaux devant un choix cornélien, déchirés entre d’un côté la nécessité de continuer les soins, de l’autre, l’obligation de se mettre en conformité.
En 2017, la tentative de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, de s’attaquer à ce problème avait fait chou blanc.
Fatigue du personnel soignant
Finalement, le ministère de la Santé a voulu éviter des fermetures en chaine de services hospitaliers, en raison notamment des incertitudes liées à la pandémie.
Fin octobre, le ministère de la Santé a donc indiqué qu’il prévoit désormais l’entrée en vigueur de cette réforme dès que possible en 2022, sans date précise.
Frédéric Valletoux, président de la Fédération Hospitalière de France (FHF), voyait d’un bon œil l’encadrement de l’intérim médical, mais le contexte actuel n’y était pas propice selon lui. Il reconnait que la Covid-19 a laissé des traces.
Ce dernier serait favorable à la rédaction d’une charte avec l'Ordre national des médecins et les sociétés d'intérim, afin de ces dernières respectent le cadre réglementaire.
Les déçus de l’hôpital
Pour l’anesthésiste-réanimatrice, Christine Dautheribes, porte-parole du Syndicat national des médecins remplaçants des hôpitaux, avec la loi Rist, la perte de rémunération pour les intérimaires aurait été comprise entre 30 % et 40 %, ce qu’elle juge inacceptable.
Dans l’Express, elle indiquait en 2019 refuser que l’intérim médical soit le bouc-émissaire d’un système hospitalier défaillant. Elle évoquait pèle mêle le burn-out, le manque de reconnaissance, le manque de temps, le manque de moyens, le salaire trop faible...
Par ailleurs, dans un communiqué de presse du 25 octobre dernier, Action Praticiens Hôpital (APH) et Jeunes Médecins (JM) évoquent le manque d'attractivité des carrières hospitalières, en particulier dans les spécialités à forte contrainte de permanence des soins.
Un manque de bras chronique
Plus globalement, le recours à l’intérim médical répond à des besoins structurels. Le Centre national de gestion (CNG) observe un renouvellement régulier du corps des praticiens hospitaliers, grâce à un solde net positif des emplois (entrées et sorties) depuis au moins 5 ans.
Néanmoins, le taux de vacance statutaire chez les praticiens hospitaliers à temps plein se situe à 31,6% en 2021.