Emmanuel Ricard, Porte-Parole à la Ligue contre le cancer et médecin de santé publique, a répondu à nos questions sur le vapotage.
Nous estimons qu’il faut distinguer le vapotage du monde du tabac. C’est pour cela que nous ne parlons pas de cigarette électronique.
Pour un fumeur, qui n’arrive pas à s’arrêter, le vapotage peut être une solution. Des études réalisées en Grande Bretagne ont montré que c’est une bonne méthode.
L’une des conditions de succès de ce sevrage est de définir le bon dosage de nicotine avec une baisse progressive.
L’idéal est d’être accompagné, comme par Tabac Info Services, qui fonctionne très bien et qui est gratuit. Ce site peut renvoyer vers un professionnel.
Le médecin et le pharmacien ont aussi un rôle à jouer, même s’ils doivent avoir conscience de la question de la dépendance psychologique. Si l’heure de la première cigarette dans la journée est tardive, c’est que la dépendance se situe plutôt au niveau de la gestuelle ou de la vie sociale.
Si les gens veulent la vapoteuse, c’est pour conserver leur dépendance gestuelle. Cela peut être aussi un outil qui leur permet de prendre des contenances dans certaines situations.
Certaines tentatives de sortie des opiacées via la méthadone ont échoué en raison d’un mauvais dosage. Pour obtenir un « flash », c’est la vapoteuse qui s’en rapproche le plus.
Concernant l’accompagnement, le test de Fagerström est très efficace pour mesurer son taux de dépendance au tabac, avec notamment une question sur la durée qui s’écoule entre l’heure du levée le matin et la première cigarette.
Plus le temps est court, plus la dépendance pharmacologique à la nicotine est forte. Sinon, la dépendance est plus gestuelle, psychologique ou situationnelle.
La meilleure prévention, c’est l’interdiction. Concernant les jeunes, la Ligue défend l’interdiction de la vente de vapoteuses aux mineurs. Bien qu’elle soit interdite aux mineurs, on sait que la loi n’est pas respectée.
Nous soutenons et accompagnons donc l’interdiction de la puff, dispositif de vapotage à usage unique. Les puffs ont vraiment été désignées pour séduire les jeunes, avec des arômes particuliers, un conditionnement marketing séduisant. La puff a été imaginée pour les faire rentrer dans une dépendance à la nicotine.
La plupart des fabricants de vapoteuses ont été rachetés par des industriels du tabac traditionnels. Il s’agit d’une décision rationnelle, car en France, ces industriels doivent faire rentrer dans leur parc de gens dépendants 200.000 nouveaux clients tous les ans pour préserver leur activité.
Avec ses arômes particuliers, un conditionnement adapté, la puff est le meilleur exemple de cette stratégie, les jeunes en faisant les frais.
Fin janvier, la commission des affaires sociales du Sénat a adopté une proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques et vapotage à usage unique. Le texte avait été adopté à l’Assemblée nationale au mois de décembre. C’est maintenant au tour de la Commission européenne de répondre et donner son avis.
Le recul du tabac sonne-t-il le déclin de la nicotine ?
Non. C’est pour les mêmes raisons que les industriels s’orientent également vers des produits comme les dérivés nicotinés sous forme de sachets et de billes à mettre directement dans la bouche comme autrefois le tabac à priser. Ils sont en général fortement dosés et génèrent de l’accoutumance.
L’industrie du tabac se targue de vendre via ces diversifications des produits moins dangereux pour la santé sains, c’est-à-dire une forme de greenwashing. Pour le tabac à chauffer, comme il n’y a pas de combustion, ils disent qu’il y a moins de produits dégagés. Mais, ils sont en fait tout aussi dangereux et génèrent de la dépendance. Certains produits chauffés sont cancérogènes.
Pour le snus, c’est comme le bétel, on sait que cela peut provoquer un cancer de la langue et de la bouche.
Pour aller plus loin :
La Ligue contre le cancer a été créée en 1918. Reconnue d’utilité publique, cette association repose sur la générosité du public et sur l’engagement de ses bénévoles et salariés.
- 103 comités départementaux
- 11.500 bénévoles
- 600 salariés
- Un budget de 105 millions d’euros en 2022
- Une enveloppe de recherche de 39 millions d’euros