WTW vient de présenter les résultats de son baromètre de l’absentéisme, qui a été réalisé à partir du suivi pendant une période de 4 ans de près de 650 entreprises, représentant 345.000 salariés.
Voici quelques chiffres :
- L’absentéisme a bondi de 35,4 % depuis 2019. En 2022, il s’est élevé à 5,3 % contre 4,9 % en 2021.
- Il touche désormais les sociétés de services et d’ingénierie en informatique, la finance et l’assurance, ainsi que les cadres et les professions intermédiaires, qui étaient jusque-là plutôt peu touchés par ce phénomène.
En conséquence, les indemnités journalières (IJ) versées par la Sécurité sociale pour limiter la perte de revenus lors d'arrêts de travail ont augmenté de près de 8 % entre 2021 et 2022, pour atteindre 15 milliards d'euros (hors crise du Covid).
Néanmoins, la hausse des indemnités s'explique aussi mécaniquement par l'augmentation du SMIC et des salaires sur fond de dérapage inflationniste.
Les conséquences du télétravail
Cette hausse de l’absentéisme s’expliquerait principalement selon WTW par le passage généralisé au télétravail, notamment dans les entreprises. Ce changement d’organisation a été rapide et parfois mal accompagné.
Les salariés les plus jeunes sont particulièrement touchés.
D’ailleurs, selon le baromètre Malakoff-Médéric, publié en septembre 2022, la santé mentale des salariés est devenue le deuxième motif d’arrêt maladie hors Covid, juste des affections ordinaires. Il en résulte que les troubles psychologiques génèrent plus d’arrêts maladie que les troubles musculo-squelettiques, les accidents et les traumatismes.
Les pistes de l’Assurance maladie
L'Assurance Maladie a lancé une campagne en direction des médecins pour alerter ceux qui semblent prescrire un nombre d'arrêts anormalement élevé. Un millier de « forts prescripteurs » auraient été identifiés.
A l'occasion du budget 2023, l’exécutif avait imaginé empêcher l'indemnisation des arrêts de travail prescrits en téléconsultation par un médecin autre que le médecin traitant. Sans succès, car la mesure a été retoquée par le Conseil constitutionnel pour des questions de fond.
Une des pistes étudiées ces derniers mois consistait à faire payer par les entreprises - et non par l'Assurance Maladie - les indemnités journalières aujourd'hui versées entre le 4e et le 7e jour d'arrêt de travail. De quoi dégager selon les Echos autour de 1,4 milliard d'euros.
Pour convaincre les entreprises, il aurait pu être instauré un jour de carence pendant lequel les salariés arrêtés ne seraient indemnisés ni par l’entreprise ni par la Sécurité sociale.
Les entreprises s’y sont opposées, notamment les PME.
Inversement de tendance
Finalement, le 27 août, le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau a déclaré sur LCI qu’il ne croit pas que la solution soit dans le moins bon remboursement. Mais, il en appelle à la « responsabilité collective » de la part des patients, des entreprises et des médecins.
Dans une chronique dans Le Monde cet été, François Desriaux, rédacteur en chef du magazine « Santé & Travail » estimait que la chasse aux abus est inefficace.
Il se demandait s’il ne serait pas plus judicieux « de prévenir le risque de désinsertion professionnelle par la promotion d’un travail soutenable tout au long de la carrière professionnelle et de faciliter le retour le plus précoce possible dans l’emploi des salariés en arrêt prolongé ».
Même son de cloche chez MG France, pour qui les médecins généralistes ne doivent pas être les boucs émissaires utilisés pour dissimuler l’insuffisance des budgets nécessaires à la santé de la population.
Et d’insister, chiffres à l’appui, sur le fait que les médecins généralistes sont des acteurs raisonnables.
Dans ce contexte, l'Assurance Maladie a décidé de réenclencher les contrôles vis-à-vis des médecins prescripteurs.
Et, toujours pour faire des économies, le gouvernement semble désormais plutôt s’orienter vers un doublement de la franchise médicale.
Pour aller plus loin :
Interview sur BFM TV de Noémie Marciano, directrice Actuariat et Placement, assurance de personne chez WTW en France :
https://www.bfmtv.com/economie/emploi/l-absenteisme-en-entreprise-a-encore-progresse-l-an-passe_AV-202308310358.html