Pr Patrice Diot : Nous avions eu beaucoup de réflexions avec les membres de la Conférence des doyens et avec le co-auteur du livre, Pascal Maurel, sur des signaux préoccupants quant à l’état de notre système de santé. A la fois en ce qui concerne l’offre de soins et la recherche en médecine, en particulier à la suite du Covid. C’est là que nous nous sommes dit qu’il y avait des liens très forts entre l’organisation de la formation, de la recherche et de l’offre de soins et qu’il était intéressant de revisiter leur articulation parce que manifestement, notre modèle est à bout de souffle.
Pr Patrice Diot : Le sujet des Padhue est extrêmement important parce que ce sont des confrères qui font vivre beaucoup de services dans des petits hôpitaux. Ils sont dans des situations très précaires. Je pense qu’effectivement il faut régulariser leur situation. On a mis en place depuis quelques temps déjà des évaluations des compétences de ces personnes, parfois cela permet de les titulariser sans complément de formation, parfois de petits compléments de formations sont nécessaires.
Quant au lien ville-hôpital, c’est une évidence. Je pense qu’il faut qu’on ouvre davantage la formation au privé, parce que la majorité des médecins que nous formons auront un exercice libéral. En gardant une formation encore un peu trop hospitalo-centrée, même s’il y a eu des progrès, on se prive de terrains de stage qui pourraient permettre d’améliorer les compétences des futurs médecins. En n’abandonnant rien de l’exigence de qualité bien entendu. Mais il y a sûrement des ressources qui ne sont pas encore intégrées, dans le cadre cette relation ville-hôpital.
Pr Patrice Diot : Le doyen d’une fac de médecine est en responsabilité de la conduite de la formation médicale. Son rôle est crucial, mais il l’est moins aujourd’hui en matière de recherche, en particulier depuis la loi Hôpital Patients Santé Territoires. L’un des éléments que nous développons dans notre livre, vraiment central, c’est que pour rebooster notre médecine, dans tous les domaines, il nous faut ramener nos universités dans le dispositif de recherche également. Les doyens, qui représentent l’université, ont perdu de l’influence dans la gouvernance des CH et U. C’est très dommage parce que cela appauvrit notre système de santé dans son ensemble. Les doyens défendent cette politique de formation et de recherche, parce qu’aujourd’hui, avec 10 000 étudiants entrant dans les études de santé, nos capacités de formation sont complètement saturées.
Pr Patrice Diot : Mi-janvier, j’étais invité à l’Académie de médecine pour intervenir sur l’articulation entre formation médicale et offre de soins. Dans mon intervention, je disais qu’il faut absolument s’enlever de l’idée qu’on retrouvera, même à échéance de 10 à 15 ans, dans notre pays comme dans tous les pays comparables d’ailleurs, une densité médicale comparable à celle qui existait avant la mise en place en 1972 du numerus clausus. Pourquoi ? Parce que, certes nous sommes revenus à un nombre de médecins en formation comparable à ce qu’il était dans les années 60. Mais entretemps, la population française est passée de 52 millions à 67 millions, la durée de vie a fortement augmenté, tant mieux. Mais le développement des polypathologies aussi, malheureusement, ainsi que les crises sanitaires qui s'enchainent. Donc je pense qu’aujourd’hui, l’enjeu c’est de redéfinir le rôle du médecin dans le système de santé. Le médecin est vu aujourd’hui par la société et les responsables politiques comme un technicien de la santé. Il faut revoir ça et en faire le pivot d’une offre de soins organisée en réseau avec des exercices partagés. Il faut reconsidérer la place du médecin dans le système de santé.
* Notre médecine est malade - Soignons le mal à la racine !
Patrice Diot, Pascal Maurel, préface de Michel Wieviorka. Ed. Rue de Seine, 160 pages, 17, 90 euros
** Padhue : Praticien à diplôme hors Union européenne
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