Une trop grande accointance entre certains médecins et « Big Pharma » est parfois dénoncée. Une association de spécialistes de la data a réussi à réunir dans une seule base leurs liens financiers dans plusieurs pays européens. Ils se sont heurtés à de nombreux obstacles.
Déjà existant en France, Euros for Docs a été étendu à l‘Europe le 1er juin dernier. Il recense les flux d’argent entre labos et monde médical, comme les interventions à un congrès, les frais liés aux déplacements pour s’y rendre, les sièges dans un conseil scientifique ou encore les honoraires pour une activité de consultant.
Sur ces bases, de 2017 à 2019, l’industrie pharmaceutique a rémunéré les professionnels de santé à hauteur d’environ 7 milliards d’euros dans onze pays européens.
Les initiateurs de cette base sont des experts en informatique, Pierre-Alain Jachiet et Luc Martinon, épaulés par des étudiants. Après 2 années d’existence sous forme d’un collectif, Euros For Docs a adopté le statut associatif en juin 2020.
Pour ces bénévoles, une parfaite transparence est nécessaire pour s’assurer que la qualité des soins apportée aux patients reste bien la priorité du système de santé.
Ils se sont inspirés de « Dollars for Docs », une initiative similaire lancée en 2012 aux Etats-Unis par le site d’investigation ProPublica.
Une base facile à exploiter
Les données sur 7 pays sont en libre accès et comportent plusieurs types d’informations :
- Les professionnels concernés,
- Le nom de l'organisation ou la firme,
- La catégorie de pays,
- Par payement,
- Année par année.
Grâce à leur travail, un patient peut savoir si son médecin présente des liens d’intérêt. Une information qui peut également intéresser les pouvoirs publics.
Les chiffres collectés peuvent aussi être exploités par d’autres acteurs comme les chercheurs universitaires, les ONG et les médias.
Le Consortium International des journalistes d’investigation (ICI) s’en est ainsi servi lors de son enquête « Implant Files » fin 2018.
Le modèle américain
Pionniers, les Etats-Unis ont voté en 2010 la loi dit « Sunshine Act » qui a imposé aux laboratoires de déclarer leurs paiements aux médecins dans une base de données publique.
En Europe, le Portugal et la France ont adopté des textes comparables.
En 2014, le scandale du Médiator a même conduit à la création de la base de données publique « Transparence santé ». Mais, selon Pierre-Alain Jachiet, cette plateforme présentait de nombreux défauts.
Un parcours du combattant
A l’issue de cette quête de transparence, il apparaît que le travail d’Euros for Docs a été semé d’embuches. Un code de transparence a bien été imaginé en 2014 par Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques (Efpia). Mais, certains laboratoires éparpilleraient les chiffres sous de nombreux formats différents, ce qui rend impossible une collecte automatisée.
Certains pays, comme l’Allemagne, se sont réfugiés derrière une interprétation stricte des données personnelles (RGPD) pour demander aux médecins leur accord pour publier leur nom, ce qui a conduit à des refus purs et simples dans 80% des cas.
De même, selon l’association, certains documents sont parfois quasi illisibles, comme ceux de Roche en Italie et en Espagne.
Néanmoins, certains laboratoires jouent le jeu. Lilly, Bayer et Jansen ont adopté un même standard partout où ils sont présents. Parmi les bons élèves figure aussi GlaxoSmithKline (GSK). Il s’agirait là d’une stratégie délibérée, afin de tourner la page après la médiatisation de pratiques douteuses et de versements de pots de vins qui lui ont coûté 3 milliards de dollars lors d’un procès en 2012.
L’interview sur France Inter du 2 juin dernier de Luc Martinon, cofondateur du site Euros For Docs, illustre l’intérêt du public et des médias pour ces questions.
Pour aller plus loin :
Le lien des deux bases de données :