90 à 95% des cigarettes vendues en France le sont pour les personnes qui fument dans l’heure du lever : elles sont victimes de la dépendance à la nicotine et au tabac. Et, pour ces victimes d’une maladie la plus souvent contractée avant 18 ans, les bénéfices de l’arrêt sont énormes, mais dépendent aussi de la façon dont on arrête.
Chez quelqu’un qui fume tous les jours plus de cinq ou dix cigarettes, et qui fume dès l’heure du lever, il y a des bénéfices immédiats quand la personne arrête complétement : la disparition du monoxyde de carbone dans l’organisme tout d’abord. Produit aussi par le feu de bois dans la cheminée et le pot d’échappement des voitures, le monoxyde de carbone se fixe sur l’hémoglobine du sang et dans les muscles, en particulier sur le muscle cardiaque et prend la place de l’oxygène. Dès le lendemain de l’arrêt, il existe un bénéfice de l’oxygénation de tout le corps, du cerveau aux doigts de pied.
D’autres bénéfices sont également perçus rapidement. On va retrouver plus de souffle, un meilleur confort respiratoire, parfois après une petite phase où l’on va tousser et cracher pendant quelques semaines, le temps que l’on nettoie ses bronches et que la muqueuse commence à se reconstituer. Idem pour l’emphysème pulmonaire. Pour schématiser, le poumon d’un fumeur vieillit deux fois plus vite que celui d’un non-fumeur.
Dans la semaine qui suit l’arrêt du tabac, on observe une diminution du risque de thrombose et du risque de faire un infarctus ou un AVC. Cela se ressent au niveau de la microcirculation dans les extrémités des doigts, des joues ou des orteils. On va aussi éliminer progressivement toutes les particules nocives présentes dans la peau et qui donnent aux fumeurs la peau grise. Elle retrouvera ainsi une couleur normale.
Pour les cancers, bien que la réduction du risque soit beaucoup plus longue, l’arrêt du tabac arrête également l’augmentation du risque de développer un cancer avec l’âge.
Je suis encore effrayé de voir à quel point les personnes qui souhaitent s’arrêter de fumer sont trop souvent maltraitées. On fait toujours croire au patient fumeur qu’il faut être hypermotivé pour s’arrêter de fumer. Bien sûr, ça aide, mais ce n’est pas le fond du problème. La plupart des fumeurs que je vois sont des fumeurs qui ont commencé à fumer avant l’âge de vingt ans, qui ont eu une inoculation dans leur cerveau de récepteurs nicotiniques. Leur cerveau en a été modifié. Ce sont des victimes qui ont besoin de leur nicotine dès le matin à dose adéquate, avant d’aborder l’éventuel problème comportemental.
En leur apportant une dose de nicotine non fumée qui est adaptée, via les patchs ou substituts oraux, voire la cigarette électronique, qui agissent comme une caresse de nicotine. Dans ces conditions, chez 90% des fumeurs, on a une diminution de 1% par jour du nombre de récepteurs. Si bien qu’au bout d’un mois on peut diminuer d’un tiers la dose de nicotine nécessaire, de deux tiers au bout de deux mois et au bout de trois mois, ils n’ont plus besoin de nicotine du tout.
Oui. Parce qu’il faut être vigilant. Par exemple, je dis aux fumeurs que j’accompagne, de toujours connaître la dose de nicotine non fumée qui leur est nécessaire chaque jour, et, si jamais ils ont un doute, ils allument une cigarette avec leur patch. Si cette dernière est bonne jusqu’au bout, c’est qu’ils n’avaient pas assez de nicotine. Si elle est mauvaise au milieu, c’est que la dose était correcte et adaptée. En procédant ainsi, en moins d’un mois, habituellement, ils n’ont plus du tout envie de fumer, ils ne prennent pas de poids, et ils vont bien. Parce que si on arrête de fumer seul, en faisant des efforts en demandant à son cerveau de lutter contre ses besoins en nicotine, en règle générale, ça se passe mal. En revanche, plus on est gentil avec son corps et avec soi-même en donnant la dose adéquate de nicotine, plus on sait qu’on est une victime et pas un coupable, mieux ça marche. Malheureusement, dans la réalité, les données publiées indiquent que près de 90% des fumeurs en France arrêtent sans voir de docteur ou d’infirmière.
En effet, il y a un effondrement du tabagisme chez les jeunes. La cigarette est devenue un produit sale, polluant, ringard. Elle a une image lamentable et le taux de fumeurs chez les jeunes a diminué de façon considérable. La ministre de la Santé Marisol Touraine avait initié il y a une dizaine d’années la politique « Génération sans tabac », qui visait moins de 5% de fumeurs de 18 ans en 2032. Je suis persuadé que nous y arriverons.
* Le plaisir d’arrêter de fumer, edi8 2017, Poche 2,99 euros
Propos recueillis par François Petty
Crédit photo : DR