Pourquoi la moitié des suicides en France concerne les 35-64 ans ?
Sur les 9.300 décès estimés par suicide, dénombrés en 2016, la moitié implique des personnes entre 35 et 64 ans, autrement dit en âge de travailler. Selon les experts, les suicides sur le lieu de travail étaient relativement rares avant les années 1990. On a pris conscience que les choses avaient brutalement changé lors de certaines crises, comme celles qu’ont connues France Telecom ou encore le Technocentre Renault de Guyancourt.
Pour les experts, certains salariés n’ont pas réussi à s’adapter à de nouvelles méthodes de management, exigeant :
- plus d’autonomie
- plus de flexibilité
- un engagement plus grand, accompagné de vastes plans de restructuration.
Pour Christian Baudelot, expert et membre de l’Observatoire national du suicide, en se donnant la mort sur le lieu de travail, le suicidé tend a donné un sens à son geste, une forme de « suicide vindicatif ».
Néanmoins, les spécialistes s’accordent sur le fait que les suicides sont multifactoriels.
La souffrance au travail commence à être mieux documentée. En 2016, plus de 10.000 affections psychiques ont été reconnues au titre d’un accident du travail et 600 en tant que maladie professionnelle.
Un chômage de tous les dangers
Des études ont prouvé le rouleau compresseur du chômage. Dans les années 30 aux Etats-Unis, le nombre de suicides a progressé. De même, la crise économique de 2008 a entraîné une hausse de la précarité et de la mortalité.
Un licenciement ou un dépôt de bilan ont des conséquences psycho-traumatiques, surtout si le chômage dure longtemps et qu’il fragilise l’individu (isolement, surendettement, divorce).
Selon un sondage de l’IFOP de 2016, 30% des personnes alors au chômage déclaraient avoir sérieusement pensé au suicide, contre 20% pour la moyenne de la population.
Des initiatives prometteuses
Face au risque suicidaire détecté dans certaines professions, des mesures de prévention spécifiques ont été prises comme avec l’APESA pour les entrepreneurs, le réseau Agri-sentinelles pour les agriculteurs et l’association SPS (Soins aux professionnels de santé) dans le monde de la santé.
A l’issue de son rapport, l’ONS a dessiné des axes de progrès. En voici trois :
- Mettre en place un numéro national de recours pour les personnes en détresse psychique extrême ;
- Etendre à tout le territoire le dispositif VigilanS qui assure un suivi des personnes, qui sont passées à l’acte.
Le médecin traitant en est informé.
Reportage au coeur de "VigilanS", la cellule de prévention du suicide, à Lille
- Actualiser la formation à l’intervention sur la crise suicidaire et former les médecins généralistes à la prise en charge de la dépression. Trois rôles différents ont été identifiés :
- Le rôle de sentinelle (qui a une fonction de repérage et d’orientation),
- Le rôle d’évaluateur (qui réalise l’évaluation clinique du potentiel suicidaire et une fonction d’orientation),
- Le rôle d’intervenant de crise (qui a également une fonction d’évaluation et qui désamorce la crise en urgence)
Le taux de décès par suicide a tendance à diminuer depuis vingt ans. Face à l’impact des conséquences du coronavirus sur l’économie française, ce rapport de l’Observatoire national du suicide arrive à point nommé.
*Créé par le Pr Guillaume Vaiva du CHRU de Lille et soutenu par l’ARS du Nord-Pas-de-Calais, VigilanS* est un dispositif de soin innovant destiné à la prévention de la récidive suicidaire.