C’est ce qui ressort d’une vaste étude scientifique européenne, commandée par l’Institut syndical européen (« ETUI », qui se définit comme le centre indépendant de recherche et de formation de la Confédération européenne des syndicats)
Leur recherche, inédite par son ampleur, a porté sur cinq grands facteurs de risques psychosociaux identifiés comme majeurs dans le monde professionnel :
- la pression excessive,
- les longues heures de travail,
- le déséquilibre entre les efforts fournis et les récompenses perçues,
- l’insécurité de l’emploi
- et le harcèlement moral.
Ces éléments peuvent mener à des troubles mentaux graves, dont l’origine professionnelle est rarement identifié. Ce manque de reconnaissance institutionnelle contribue à rendre les RPS largement invisibles, freinant ainsi leur prévention et la mise en place de politiques de protection efficaces.
Des parties prenantes toutes concernées
L’étude a aussi chiffré le coût économique annuel des dépressions liées aux RPS.
Ce coût comprend
- les dépenses de santé prises en charge par les systèmes publics,
- les pertes économiques dues à la baisse de productivité,
- les charges supportées par les salariés eux-mêmes,
- mais aussi les années de vie perdues.
L’étude estime également que les entreprises supportent plus de 80 % du coût total, principalement à cause de l’absentéisme (53 %) mais aussi de façon moins intuitive du présentéisme (34 %), c’est-à-dire la baisse de performance des salariés présents mais en souffrance psychologique. Une réalité que les employeurs auraient du mal à percevoir.
Un gâchis humain
Pour 2015, plus de 400.000 années de vie auraient été perdues en raison de maladies cardiovasculaires et de dépressions d'après le rapport, des "décès évitables".
L’étude livre également une première évaluation du coût des maladies coronariennes et des AVC imputables au travail, estimé entre 12 et 14 milliards d’euros par an.
Dans le détail :
- 8 % des maladies cardiovasculaires
- et 23 % des dépressions sont attribuables aux RPS.
- Dans le détail, ce serait notamment 5.000 morts prématurées par dépression, concernant en majorité des hommes, plus fréquemment victimes de suicide.
Les salariés Français aussi concernés
Sur l’ensemble des pays étudiés, la France est celle où le coût annuel des dépressions liées aux RPS est le plus élevé, rapporté à 100.000 salariés.
Trois des cinq facteurs de risque sont particulièrement marqués : la pression au travail, le déséquilibre entre efforts et récompenses, et le harcèlement moral.
En revanche, la loi sur les 35 heures limite les effets potentiellement nocifs des horaires à rallonge et l’insécurité de l’emploi y semble moins problématique qu’ailleurs.
Sur le plan des maladies coronariennes associées aux RPS, ce sont surtout les pays d’Europe centrale, orientale et méridionale qui affichent la plus forte incidence.
Une directive européenne en ligne de mire ?
Ces chiffres apportent de l’eau au moulin des syndicats, qui militent depuis longtemps pour l’adoption d’une directive européenne sur la prévention des risques psychosociaux.
Certains mettent notamment en avant l’accélération du recours aux technologies de l’information et de la communication, ainsi que la numérisation, ou l’usage de nouvelles machines qui remplacent le travail de l’homme et se substituent au contact humain.
En France, plusieurs organisations syndicales militent pour la reconnaissance des RPS comme maladies professionnelles.
Pour aller plus loin :
Les travaux ont été dirigés par Hélène Sultan-Taïeb, économiste spécialisée en santé au travail à l’Université du Québec, et Isabelle Niedhammer, épidémiologiste à l’Inserm. Le rapport (en anglais) :
Un syndicat constate une montée des RPS dans le secteur bancaire en France