La phobie scolaire — ou « refus scolaire anxieux » (RSA) — pourrait concerner 1 à 2% des élèves, de la maternelle au lycée, selon l’Inserm*. Une donnée sans doute sous-estimée en France car le phénomène y reste mal caractérisé.
Son incidence semble augmenter : il constitue un motif de plus en plus fréquent des consultations en unité spécialisée de pédopsychiatrie. De plus, l’association d’aide aux parents concernés a vu ses adhésions plus que doubler avec l’arrivée de la pandémie de Covid-19.
Rappelons que la phobie scolaire n’est pas une lubie mais une « pathologie qui empêche l’enfant ou l’adolescent de se rendre physiquement à l’école » selon la définition de Christine Baveux, responsable de la scolarité à la Maison de Solenn, qui accueille de nombreux patients souffrant de cette pathologie.**
Le refus scolaire anxieux : comment le diagnostiquer ?
Le diagnostic est parfois compliqué car il s’agit d’un phénomène polymorphe et multifactoriel.
Les manifestations de la phobie scolaire varient fortement, notamment en fonction de l’âge et de la personnalité de l’enfant. Chez les plus jeunes, ce sont plutôt des douleurs physiques (tête, ventre…) qui s’améliorent quand l’enfant reste à son domicile au lieu d’aller à l’école, et qui ne surviennent pas pendant les week-ends et les vacances scolaires. D’autres changements comportementaux peuvent se manifester en amont du départ pour l’école comme une peur excessive, un accès de colère, une crise de pleurs ou encore des symptômes physiques inexpliqués.
Soudaine ou graduelle, l’apparition du refus scolaire anxieux est la conséquence de causes diverses, avec éventuellement un effet cumulatif : angoisse de la séparation, difficultés d’apprentissage (liées par exemple à la dyslexie ou la dysgraphie), harcèlement scolaire, pression scolaire, épisode dépressif…
Le médecin traitant peut être un premier recours pour conseiller (maintenir un rythme de vie régulier, un bon cycle de sommeil…), et orienter les parents vers un psychologue habitué aux enfants, un pédopsychiatre ou le centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) du secteur.
Il revient au professionnel de santé spécialisé d’établir le diagnostic, le plus souvent à l’aide des cinq critères de Berg :
- Refus d’aller à l’école conduisant à une absence prolongée ;
- Détresse émotionnelle anticipatoire ;
- Enfant restant au domicile parental pendant le temps scolaire;
- Absence de comportements anti-sociaux significatifs;
- Efforts significatifs des parents pour pousser l’enfant à fréquenter l’école.
Il faut savoir que plus le diagnostic de la phobie scolaire est tardif, plus il sera difficile de faire revenir l’enfant sur le chemin de l’école. Il est possible de mettre en place un projet d’accueil personnalisé (PAP) avec le collège ou le lycée (emploi du temps allégé centré sur les matières préférées, conditions particulières pour les devoirs…). Dans les cas de détresse grave, la scolarisation par d’autres voies s’avère incontournable, voire l’interruption provisoire de la scolarité, avant la mise en place d’un PAP. Les hospitalisations concernent 3 à 4 % des cas.
Exemples de deux structures de prise en charge de la phobie scolaire
Depuis une quinzaine d’années, une unité du CHU de Montpellier (située dans l’hôpital La Colombière) prend en charge des collégiens et lycéens souffrant de refus scolaire anxieux. Ces patients bénéficient d’une hospitalisation de jour à raison de 3 à 4 demi-journées par semaine pendant plusieurs mois. Ils reçoivent des soins en thérapie cognitive et comportementale (TCC), en individuel et en groupe, tout en poursuivant leurs études au sein de l’unité. La TCC consiste en des méthodes de gestion du stress par la relaxation, la respiration et des expositions progressives aux situations anxiogènes. La TCC comporte aussi un travail cognitif pour traiter les pensées liées à ces situations qui font peur. Avec 10 places disponibles, l’unité du CHU suit 25 patients chaque année.
À la Maison de Solenn, maison des adolescents qui dépend de l’hôpital Cochin, la phobie scolaire représente environ 10% des consultations. Le site accueille des jeunes en hospitalisation ou en ambulatoire. Outre des cours individuels et des ateliers collectifs (arts plastiques, musique, escalade…) pour reprendre confiance en eux, des jeux de rôle sont animés par une psychologue et une infirmière.
La prise en charge relève d’un partenariat entre tous les professionnels : psychiatres, psychologues, éducateurs, animateurs d’ateliers thérapeutiques, enseignants. « Les échanges sont indispensables car il arrive que les jeunes parlent de leurs angoisses dans le cadre de leurs cours scolaire alors qu’ils évoquent leurs difficultés scolaires en consultation médicale », explique Christine Baveux.
La prise en charge est longue, mais la majorité des enfants et adolescents retrouve le chemin d’une scolarité satisfaisante et d’une bonne intégration sociale.
*Lire Phobie scolaire : Effet de mode ou réalité profonde ?, Le magazine, n°55, janvier 2023, Inserm
**Télécharger La santé en action, n°443, mars 2018, p. 4-5, Santé Publique France