Alors que la profession des sages-femmes est en tumulte depuis plusieurs mois, la toute nouvelle présidente du Conseil de l’Ordre entend se battre pour obtenir une véritable reconnaissance du métier.
Oui, la profession va mal. Elle a manifesté plusieurs fois au cours de l’année 2021 et va vraisemblablement continuer durant l’année 2022. Mais ce mal-être exprimé par mes consœurs et confrères, lié à l’invisibilité de notre profession, ne date pas d’aujourd’hui. Il est même ancré durablement dans l’histoire puisque nous sommes une profession médicale, définie comme telle depuis le début du 19ème siècle et inscrite en ce sens dans le code de santé publique. Nous souffrons d’une double peine : la non reconnaissance par les pouvoirs publics de ce statut médical, quel que soit notre mode d’exercice : hospitalier public comme privé, ou libéral. Ce qui se traduit par une absence d’indépendance et d’autonomie et de revalorisation statutaire financière. Et nous souffrons aussi de la méconnaissance de notre profession par les usagers alors que de nombreuses femmes renoncent aux soins gynécologiques, par exemple.
Certes, mais il s’agit moins de crise de vocation que de crise de l’attractivité du métier. Cette crise se traduit par un abandon de l’exercice. Tous les jours des sages-femmes quittent la profession. Idem pour nos étudiants, le taux d’attrition c’est-à-dire de renoncement aux études de maïeutique a augmenté cette année. Pendant trop longtemps on a fait rimer vocation du métier avec abnégation, ce temps est révolu.
L’Ordre avait lancé une alerte pendant la période estivale en disant que la faible attractivité de la profession créait des situations de tension dans les maternités. Ce phénomène s’est amplifié à l’automne et est toujours bien réel en ce début d’année. Des maternités sont en train de fermer transitoirement ou définitivement ou renoncent à des activités pour manque de sages-femmes. Et ce qui nous inquiète le plus, c’est que de très jeunes femmes et des femmes plus âgées renoncent à leur suivi gynécologique parce qu’on leur explique qu’il y a de moins en moins de gynécologues. Mais il n’y a jamais eu de campagne d’information qui leur explique que les sages-femmes, comme les médecins généralistes d’ailleurs, sont aussi des interlocuteurs de premier recours.
Oui, nous allons rencontrer les différents candidats. L’Ordre travaille avec l’ensemble des organisations professionnelles pour porter des propositions. L’Ordre va tout mettre en œuvre pour que la santé et le respect des droits des femmes soient au cœur des débats de l’élection présidentielle et des législatives. Nous allons aussi en appeler à la société civile, en sensibilisant les citoyens sur l’importance du rôle des sages-femmes sur l’ensemble de ces domaines. Le format et le calendrier définitif ne sont pas encore entièrement arrêtés. Mais la symbolique du 8 mars, journée du droit des femmes, est importante pour nous.
En effet, mais élargir un champ de compétences sans l’accompagner d’une valorisation financière, n’a pas de sens. Si les négociations salariales ne font certes pas partie des missions de l’Ordre, force est de constater qu’à acte identique, la rémunération se doit d’être identique, quel que soit le professionnel qui le réalise. C’est une logique qui concerne d’ailleurs toutes les autres professions de santé.
Toujours en stand-by. La députée du Gard, Annie Chapelier a déposé une Proposition de Loi (PPL) pour la création de cette 6ème année qui en outre doit débloquer des crédits afférents, la possibilité pour les enseignants d’obtenir une valence hospitalo-universitaire ainsi que d’avoir une nomenclature INSEE qui nous intègre dans les catégories médicales. La PPL a été votée en première intention fin novembre à l’Assemblée nationale, mais elle n’est toujours pas inscrite au calendrier du Sénat. Olivier Véran s’était pourtant engagé, le 16 septembre devant plus de 5 000 sages-femmes, à porter cette 6ème année. Quand est-ce que cela va bouger ?
Propos recueillis par François Petty
Crédit photo : ©Pauline Maillet