Lucas Poittevin : Nous étions entre 18 000 et 20 000 à avoir battu le pavé dans toute la France. À cet égard, cette mobilisation a été une réussite parce que nous avons pu montrer à certains députés qui en doutaient que nous portions une voix commune, totalement opposée à ce texte de loi. En outre, je rappelle qu’il a été voté dans un hémicycle quasiment vide et à une heure tardive, ce qui n’a pas permis d’avoir un débat auquel aurait participé l’ensemble des députés, qui sont tous concernés par ces problématiques d’accès aux soins. Mais le chemin de la loi n’est pas terminé et nous continuerons à sensibiliser les élus pour expliquer à quel point cette proposition de loi peut être néfaste pour le système de santé.
Lucas Poittevin : Tout d’abord, nous avons pu corriger certaines idées reçues dont beaucoup sont erronées. Parmi lesquelles, le fait que les jeunes médecins ne s’installent que dans les grandes villes. Or, 80% des installations se font en zones sous-dotées. On a aussi pu expliquer aux députés, qu’en termes de temps de travail, contrairement à ce qui est dit, il ne faut pas 2,5 jeunes médecins pour remplacer un médecin de la génération précédente. Certes, les médecins aujourd’hui font moins d’heures que leurs aînés à leur âge, mais c’est dû au fait que la manière de prendre en charge les patients a changé : il y a plus de coordination avec les autres professionnels de santé, ce qui, à l’arrivée, permet davantage de temps passé avec les patients en consultation.
Lucas Poittevin : Je ne dirais pas que le pacte nous inquiète, parce qu’il ne se résume pas à ces journées de solidarité. Le pacte va beaucoup plus loin et contient des mesures d’attractivité. Il ouvre aussi la voie à des accès plus aisés aux études de médecine dans les territoires. Ce sont des mesures qui vont dans le bon sens et que nous soutenons pleinement. En revanche, ce que nous reprocherions à ce pacte, c’est en effet d’avoir mis un peu trop la lumière sur cette solidarité territoriale. Son instauration en tant que telle est un paradoxe à plusieurs égards. D’une part, on ne sait pas vraiment qui sera concerné par ces journées de solidarité. D’autre part, le coût, tant financier qu’en matière de temps d’organisation de ces journées, fera perdre du temps médical aux médecins. Enfin, on ne gagnera pas plus de consultations, contrairement à ce qui a pu être annoncé par le Gouvernement. Un médecin qui va effectuer ses consultations dans une zone avancée n’en fera plus auprès de ses patients. Pour contrer l’argument, l’exécutif a répondu que ces médecins pourront faire appel à des remplaçants dans leur cabinet. Mais c’est juste rajouter de la complexité au système.
Avec les syndicats d’internes et de jeunes médecins nous proposons d’inverser le jeu. À partir d’une cartographie des zones les plus en tension en France établie par les élus locaux, les Agences régionales de santé pourraient créer et mettre à disposition des centres de consultations avancées. À charge pour les médecins des territoires, dans une logique de responsabilité collective, de combler les créneaux de consultations sur ces zones avancées, afin de garantir une continuité des soins, exactement de la même manière que cela se fait pour la permanence des soins ambulatoires.
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