Le 13 septembre dernier, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu public un nouvel avis sur la fin de vie. Cette prise de parole intervient 6 ans après la promulgation de la loi du 2 février 2016 dite loi Claeys-Leonetti, dans un contexte international d’évolutions législatives en faveur du suicide assisté et de l’euthanasie (Pays-Bas, Espagne, Luxembourg, Canada…).
La loi de 2016 peine à être mise en œuvre
Le CCNE a d’abord analysé les questions éthiques liées à la mise en œuvre du droit actuel (loi Claeys-Leonetti) s’agissant notamment :
- des soins palliatifs : « Une filière universitaire ‘Soins palliatifs’ a été créée en 2016, mais elle est restée a? l’état fictif », regrette le comité. « L’insuffisance de l’enseignement et de la recherche dans ce champ rend impossible la construction d’une culture palliative solide et approfondie », poursuit-il.
- des directives anticipées : « Le faible nombre de directives anticipées rédigées par les citoyens français est problématique. [Cela] traduit sans doute (…) l’insuffisance des efforts consentis pour la promotion de cet outil auprès du public comme des personnels soignants appele?s a? conseiller ou accompagner les patients. (…) [Les personnels de sante?] doivent disposer de temps et de lieux dédiés pour conforter les patients dans la confiance qu’ils [leur] accordent. »
- de la sédation profonde pour les personnes souffrant d’une affection grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé à court terme et subissant une souffrance réfractaire aux traitements : le CCNE déplore notamment un déploiement insuffisant a? domicile et dans les établissements médico-sociaux. « Il semble nécessaire de valoriser, pour les acteurs libe?raux, les temps de discussion pre?alables a? la mise en place d’une se?dation profonde et continue jusqu’au de?ce?s, sa surveillance, sa trac?abilite? et son bon de?roulement pour un confort le plus optimal possible de la personne en toute fin de vie et pour l’accompagnement des proches. »
Des professionnels de santé divisés sur « l’aide active à mourir »
L’avis du CCNE concentre ensuite ses réflexions sur les personnes qui présentent un tableau médical tre?s proche de celui des patients couverts par la loi de 2016, dont le pronostic vital n’est pas engagé à court terme mais à l’horizon de quelques semaines, voire quelques mois.
L’avis fait état d’opinions très contrastées tant parmi les professionnels de santé auditionnés par le CCNE qu’au sein du comité. En effet, certains professionnels de santé, dont le Dr Jean Leonetti, affirment « qu’ils sont tenus, non seulement de soigner et de respecter la vie, mais aussi de soulager les souffrances inconditionnellement » tandis que d’autres considèrent qu’une « aide active à mourir serait souhaitable sous conditions strictement encadrées ». D’autres enfin ont exprimé que « la mission médicale ne peut être, en aucun cas, de contribuer a? donner la mort ».
Renforcer les soins palliatifs
Pour finir, le CCNE formule des recommandations. Il commence par souligner la nécessité d’accélérer les « efforts entrepris ces dernie?res anne?es en faveur des soins palliatifs et de la formation des professionnels de sante? a? leur usage ».
Il ouvre également « une voie pour une application e?thique d’une aide active a? mourir, a? certaines conditions strictes ». En cas de dépénalisation de l'aide active à mourir, le Comité souhaite en effet que soient mises en place des repères éthiques. Le premier d’entre eux précise que « la possibilité d’un accès légal à une assistance au suicide devrait être ouverte aux personnes majeures atteintes de maladies graves et incurables, provoquant des souffrances physiques ou psychiques réfractaires, dont le pronostic vital est engagé à moyen terme ». Le Comité indique aussi que « le médecin en charge du patient et les autres professionnels de santé participant à la procédure collégiale devraient pouvoir bénéficier d’une clause de conscience ».
La dernière recommandation du CCNE est de mener un débat national avant d’engager toute nouvelle re?forme le?gislative dans le domaine de la fin de vie. Celle-ci a été entendue par le Président de la République qui a annoncé la constitution d’une convention citoyenne dès octobre prochain, organisée par le Comité économique, social et environnemental (CESE). La convention nourrira ses échanges avec l’ensemble des parties prenantes, en particulier avec les professionnels qui sont régulièrement confrontés à la fin de vie et les équipes des soins palliatifs. Les conclusions seront rendues en mars 2023.
Lire l’avis n°139 du CCNE : Questions e?thiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarite?