Le Conseil compte des représentants de différentes spécialités : immunologie, virologie, épidémiologie, sociologie… Nous avons également un infectiologue modélisateur mathématicien, une anthropologue, une représentante du milieu associatif, vice-présidente d’ATD-Quart monde, un réanimateur expert en numérique. Je représente pour ma part la médecine générale. Je ne vais pas citer tout le monde mais en tout, nous sommes treize membres, avec le président du Conseil.
Nous travaillons quotidiennement en conférence call. Comme tout le monde, nous y avons été contraints par le confinement. Sur le plan pratique, nous travaillons tous les jours à éplucher la littérature, à observer ce qui se passe, à réfléchir aux éléments et aux questions épidémiologiques que le virus pose, et aux impacts de l’épidémie sur le système de soins. Au tout début, il nous a fallu répondre aux questions suivantes : quels sont les moyens pour essayer de casser ce tsunami qui apparaissait brutalement ? Quels sont les principes généraux à mettre en place ? Quels sont les déterminants pour parer aux conséquences ? Parce qu’il est vrai qu’on ne maîtrise pas ce virus qui est plein de surprises. La première des choses à mettre en œuvre avec ce virus qui n’est pas forcément hyper dangereux mais qui est hyper virulent a donc été de sélectionner les éléments qui permettaient de réduire sa circulation, en l’occurrence éviter la circulation des personnes.
La première phase a en effet concerné une charge qui a très vite saturé les services de réanimation, avec la nécessité de s’organiser pour multiplier les lits et donc d’en créer de nouveaux, dans le secteur hospitalier public comme dans le secteur privé. Le système est arrivé à monter à une potentialité d’accueil de 10 000 lits. Mais en gardant cette notion en tête, le virus, d’une certaine façon, nous a fait un cadeau. Il a épargné une partie de la France. Dans cette logique-là, les pouvoirs publics ont mis en œuvre différents mécanismes adaptés. En revanche, les patients confinés ont considéré que, comme nous étions tous débordés par la vague, nous médecins généralistes, hormis les patients Covid, on ne voyait plus les autres. Ce qui a entraîné un renoncement aux soins des patients souffrant de pathologies chroniques. Il a fallu très vite alerter sur cette réalité. En définitive, je crois que nous sommes parvenus à rattraper le coup, mais il y a des conséquences que nous n’avons pas encore toutes répertoriées. C’est ce que j’appelle les dommages collatéraux du Covid.
Je pense qu’il est pertinent de considérer que les patients en phase de déconfinement ont besoin d’un suivi adapté. Ils ont un médecin traitant et des soignants de première ligne : les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes pour ne citer que ceux-ci. Nous sommes tous en proximité, avec un maillage territorial qui doit permettre de répondre à l’exigence de repérer les patients chroniques qui développeraient un Covid de façon symptomatique ou asymptomatique et de les prendre en charge.
Le rôle des médecins est une chose : dépister et diagnostiquer en prescrivant le test de dépistage, celui du PCR, repérer les personnes contacts… Ensuite, en effet, il y aura des équipes de proximité, ce que les pouvoirs publics ont appelé les brigades, même si à mon sens le terme n’est pas le mieux choisi. Je préfère celui d’équipes territoriales de proximité. Elles sont en cours de constitution, en lien avec les Agences Régionales de Santé, afin d’organiser au mieux cet accompagnement et permettre de dépister, d’identifier et d’isoler les cas positifs. Cet isolement se fera soit à domicile, soit dans des structures dédiées, quand le domicile n’est pas adapté.
Oui, je le pense. A cette précision près. Pour gagner les guerres, la victoire repose non pas sur la seule troupe mais sur le génie et le train. Donc la logistique. En termes de troupes, tout le monde est présent. Nous avons les tests et les personnes aussi. La plupart des gens ont un médecin traitant et nous nous organisons pour recevoir les patients qui n’en ont pas. On a mis en place, avec les ARS, une logistique entre les généralistes, les infirmières, les kinés, les internes, en redéployant certains internes hospitaliers vers la ville. En conséquence, on devrait avoir suffisamment de monde disponible. Mais il faut que les dépistages puissent se faire sur des délais suffisamment courts. Nous souhaitions un délai de 24h mais le texte officiel devrait dire 48h. Surtout, il faut que les tests soient faits dans des conditions optimales de réalisation, car, avec la Covid, il y a énormément de vrais-faux négatifs quand le prélèvement n’est pas bien réalisé.
Je dirais que le coronavirus est un virus du Moyen Âge qui nous a obligés à avoir de nouveaux réflexes de tribu, nous obligeant ce faisant à avoir un mode de travail collaboratif. Sinon on ne gagnera pas contre lui. Le monde hospitalier a su se mobiliser largement. Les équipes ont été très opérationnelles malgré un système complètement en vrac, puisque les hôpitaux étaient tous quasiment en grève. Pour les soins de première ligne, la mobilisation aussi a été immense. A l’arrivée, nous avons tous travaillé ensemble. Nécessité a fait loi. Et l’élément fort est que la relation hôpital-ville est en train de prendre une réalité concrète. Par nécessité. Est-ce que cela durera ? Je n’en sais rien. Mais je me plais à le croire.
Propos recueillis par François Petty
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