Selon un rapport de 2019 de l’ONG Health Care Without Harm, le secteur de la santé aurait été responsable en 2014 de 4,4 % des émissions nettes mondiales de gaz à effet de serre (GES). L’essentiel de ce volume provient de la chaine d’approvisionnement, mais pas uniquement. Il faut aussi savoir qu’une journée d'anesthésie générale dans un bloc opératoire émettrait autant de CO2 que 1.000 km en voiture thermique.
Les professionnels de la santé n’y sont pas indifférents comme le montre le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG). Il avait ainsi organisé en janvier 2019 un « casse-tête » sur le thème de la « Pratique écologique de la médecine ».
La mesure de la performance
Publiée en mai dernier, la Revue Médicale suisse a imaginé un vadémécum concernant l’écoconception des cabinets de médecine de famille. Ils ont passé au crible leur fonctionnement en Suisse romande, avec les outils d’analyse du cycle de vie ou écobilan.
Ils ont axé leur questionnaire sur tous les facteurs générant des émissions de GES, mais la prescription de médicaments a été exclue.
Une douzaine de postes ont ainsi été passés au crible, dont les suivants :
- Infrastructure,
- Electricité,
- Consommables médicaux et non médicaux,
- Déplacements des patients,
- Déplacements du personnel,
- Liens avec les fournisseurs externes,
- Déchets.
La Revue a calibré ses recommandations sur « un cabinet type »
- Il est composé de deux médecins et deux assistants médicaux,
- Il occupe une surface de 207 m2
- Il réalise 24 consultations par jour.
Bien dimensionner son local
Heureusement, il existe des gisements pour corriger le tir :
- L’optimisation de l’espace de travail constitue le levier d’action le plus significatif. Il faudrait selon la Revue limiter la surface à 60 m² par médecin, dès la conception de la structure ou a posteriori en envisageant une diversification des locaux.
- Inciter le personnel à se déplacer à vélo ; encourager le covoiturage ; aider à l’achat d’un abonnement de transport public ; s’installer près d’un arrêt de transport public.
- Encourager les patients qui le peuvent à adopter une mobilité active, un comportement de plus très vertueux pour réduire les méfaits de la sédentarité.
- Chercher à réduire les rotations de coursiers avec les laboratoires. Ils se déplacent parfois pour un seul échantillon.
- Lutter contre le suremballage des consommables.
- Utiliser des produits sans coton, cette matière venant des antipodes et étant excessivement friande en eau.
Voici concrètement les gains attendus associés à certaines de leurs recommandations :
Actions choisies | Gain carbone CO2eq kg/année |
---|---|
Redimensionner la surface du cabinet à 60 m²/médecin | 5.769 |
Diminuer la température de 1°C | 841 |
Inciter 10% des patients à renoncer à la voiture pour venir en consultation | 1.294 |
Inciter 80% des soignants à renoncer à la voiture pour se rendre au cabinet | 2.923 |
Arrêter de faire venir le coursier du laboratoire en urgence | 1.094 |
Utiliser des pansements sans coton | 1.360 |
Doubler la durée de vie des ordinateurs (de 4 à 8 ans) | 332 |
Les petits ruisseaux faisant les grandes rivières, la Revue Médicale Suisse estime que les cabinets médicaux peuvent diviser par 10 leurs émissions de dioxyde de carbone.
Des économies appréciables
Ces recommandations constituent des adaptations pour répondre aux défis de la transition écologique, mais cela va encore plus loin puisque le médecin joue aussi un rôle moteur pour inciter les patients à changer de comportements.
L’adoption de bonnes pratiques génère en outre des économies.
Expérimenter de nouvelles pratiques
Une autre étude fait ressortir de manière spectaculaire l’intérêt de la télémédecine pour la planète.
Deux centres universitaires français ont eu recours à la téléconsultation en urologie durant le premier confinement. Cette expérience, qui a concerné 80 patients, s’est tenue dans une zone à forte densité de population.
Bien que la téléconsultation en tant que telle soit plus énergivore qu’un rendez-vous en traditionnel face à face, l’étude met en évidence un résultat inverse dès lors qu’on intègre les déplacements des patients au calcul global.
Les bénéfices sont assez concrets :
- La consultation à distance a permis d’éviter à chaque patient de parcourir 84 km en moyenne (le plus souvent en voiture).
- Et, elle aurait divisé par 100 les émanations de CO2.
Recommandations pour l’écoconception des cabinets de médecine de famille
Nicolet, J., Mueller, Y., Paruta, P., Boucher, J., Senn, N. (2021). 'Recommandations pour l’écoconception des cabinets de médecine de famille', Rev Med Suisse 2021; volume 7. no. 738, 924 - 927.
Dans l’Aude, les habitants d’un village partagent une voiture électrique avec leur médecin