Jean-François Dumas : Cette évolution s’inscrit dans la droite ligne de l’avancée législative majeure de janvier 2016, que l’on doit à la ministre de la Santé de l’époque, Marisol Touraine. Cette première étape a conduit à la redéfinition de la profession. L’article L 4321-1 du code de la santé publique s’appuyait précédemment sur une définition technique. Le kinésithérapeute était un technicien qui avait pour mission de réaliser deux actes, sur la prescription des médecins : la gymnastique médicale et le massage.
Depuis 2016, on est passé à une définition plus générale, qui repose sur des missions. Les kinésithérapeutes ont désormais des missions en santé publique, dans le soin thérapeutique et également dans la prévention.
Jean-François Dumas : C’est un travail que nous avons mené avec les parlementaires, à l’Assemblée nationale et au Sénat, et qui a pu être concrétisé grâce à la rencontre bénéfique avec une parlementaire qui a souhaité porter des dispositions législatives pour donner une réponse au patient confronté à l’impossibilité d’accéder à un médecin dans des délais raisonnables du fait des déserts médicaux, la députée Stéphanie Rist. Cela s’est fait en plusieurs étapes, mais l’aboutissement c’est la publication de la loi qui porte son nom en mai de l’année dernière, dans laquelle l’accès direct, de manière très restreinte, est ouvert au patient qui cherche un kinésithérapeute.
Jean-François Dumas : Sont concernés en totalité tous les établissements de santé et les établissements médico-sociaux. Tous les salariés et les libéraux qui interviennent dans les Ehpad et les cliniques par exemple peuvent faire bénéficier leurs patients d’un accès direct, sans passer par la case prescription d’un médecin.
Dans le monde purement libéral en cabinet, le texte ne vise que les kinésithérapeutes en Maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), ceux qui évoluent en équipes de soins primaires qui doivent comporter au moins un auxiliaire médical avec un généraliste, et ceux qui participent à une équipe de soins spécialisée (ESS), avec au moins un auxiliaire médical et un spécialiste. Le texte qui initialement incluait les CPTS a été exclu dans le débat au Sénat.
Jean-François Dumas : Oui, Stéphanie Rist est médecin rhumatologue au centre hospitalier d’Orléans et elle a assisté au développement des modèles d’exercice coordonné, avec différentes MSP au sein desquelles évoluent des médecins et des kinésithérapeutes. C’est en voyant cette collaboration extrêmement salutaire pour les patients qu’elle a souhaité s’engager sur un accès plus simple, mais limité pour le moment à l’exercice coordonné. Ces dernières années, tous les gouvernements successifs ont souhaité promouvoir l’exercice coordonné pour mettre un terme à l’exercice isolé dans son cabinet.
Jean-François Dumas : Je pense que nous sommes au début d’une nouvelle histoire de l’exercice, notamment libéral, où le système d’exercice en silo, où le spécialiste en cardiologie et l’auxiliaire médical sont dans leur cabinet respectif et ne peuvent pas en sortir, devient un modèle d’exercice révolu. On est en train de passer à une organisation beaucoup plus transversale, bénéfique pour fluidifier l’accès aux soins. Mais, nous n’en sommes qu’au début. Cela concerne aujourd’hui en libéral, 5 à 6 000 kinés en MSP alors que nous sommes 80 000, donc on a encore un peu de mal à percevoir tout le potentiel de cette approche.
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