Pascale Mathieu : Tous les 8 septembre, depuis 10 ans, en tant que présidente de l’Ordre, je m’adresse à la profession en rappelant à quel point la kinésithérapie est une superbe discipline. Mais cette année, je me suis dit que si j’envoyais une telle lettre aux kinés, qui aujourd’hui vont vraiment mal économiquement, ils allaient se dire : « elle est complètement déconnectée de la réalité ».
Pascale Mathieu : Des cabinets ferment, nous faisons face à des liquidations judiciaires. Il n’y a aucune matière à se réjouir. Alors oui, nous faisons un magnifique métier, on peut contribuer à changer la vie des gens mais actuellement si notre apport n’est pas reconnu par les pouvoirs publics, à quoi cela sert-il ? Nos compétences ne sont pas mises en œuvre. La profession fait face à des très grandes difficultés et surtout à un abandon total des pouvoirs publics. C’est le plus difficile. Ce sentiment de ne pas être considéré, de voir que son travail n’est pas pris en compte.
Pascale Mathieu : Cette loi, je la demande depuis 2022. Avant même les élections présidentielles, j’avais contacté des députés et les cabinets des ministres. Ils étaient d’accord pour travailler à une loi spécifique sur la kinésithérapie. Parce qu’on ne peut pas abandonner une profession de 112 000 professionnels qui voient plus de deux millions de Français par jour. Et qui, de plus, permettent une restauration des capacités fonctionnelles. Cela veut dire que vous renvoyez les gens plus vite au travail, qu’on empêche les aggravations des cas pathologiques de certains handicaps... À l’arrivée, nous permettons aux gens de vivre mieux et, d’un point de vue économique, de coûter moins cher à la société.
Pascale Mathieu : Je veux une loi spécifique sur la kinésithérapie pour montrer qu’on prend en charge la rééducation et que l’on travaille sur la pertinence des soins. Je ne comprends pas qu’on me dise : vous êtes trop nombreux et qu’en même temps les déserts médicaux soient de plus en plus importants et que la démographie dynamique des kinésithérapeutes ne soit pas prise en compte pour essayer de compenser l’absence de soins que vivent les patients dans certains territoires.
Pascale Mathieu : Chaque fois que nous avons des discussions sur les évolutions de la profession, on nous répond que cela va coûter trop cher alors que nous souffrons déjà de dix ans de blocage de nos honoraires. Pourquoi nous ne faisons pas les rendez-vous de prévention qui sont réalisés par les infirmiers, les sages-femmes et les médecins. À l’origine, nous devions y participer. On nous a dit cela va augmenter les dépenses. On marche sur la tête. C’est la cible qui compte, le nombre de patients ne bouge pas. Je ne méconnais pas les difficultés économiques de la France, mais je pense que si on parle pertinence, et c’est ça qui m’intéresse, on pourrait faire mieux, avec autant d’argent, et soigner mieux.
Pascale Mathieu : Certainement pas. Mais il n’y a pas que les ministres qui changent, même s’ils sont évidemment essentiels. On avait un contact très fluide avec Yannick Neuder, avec Frédéric Valletoux et leurs prédécesseurs. C’est précieux. Mais les équipes et les conseillers changent aussi. In fine, on passe son temps à rabâcher les mêmes choses à des personnes qui vont ensuite redemander une analyse à l’administration. Une administration qui a déjà fait le travail et rendu un avis sur la question. C’est insensé, pour tout le monde, de travailler comme cela.
Crédit photo : Nikola Krtolica