I. Typologie des erreurs radiologiques
La littérature médico-légale distingue plusieurs types d’erreurs en radiologie :
- Erreurs de lecture : omission d’une lésion pourtant visible, regard porté au mauvais endroit, fixation sur un premier signe pathologique et négligence du reste.
- Erreurs d’interprétation : mauvaise analyse d’un signe radiologique pourtant identifié.
- Erreurs de conseil : insuffisance ou excès de réassurance dans les conclusions (ex : banalisation d’une image suspecte, absence de recommandations de suivi ou de contrôle).
- Erreurs de communication : résultat non transmis, mal compris, ou mal relayé au prescripteur ou au patient.
Ces erreurs peuvent avoir des conséquences lourdes tant pour la santé du patient que pour la responsabilité professionnelle du praticien impliqué.
II. L’obligation du radiologue : ne pas seulement constater, mais conclure
Dans une affaire récente, le non-diagnostic d’un améloblastome sur une radiographie panoramique a conduit à la condamnation conjointe du radiologue et du médecin traitant. Le radiologue s’était contenté de signaler une « image lacunaire » sans formuler d’hypothèse diagnostique ni recommander de bilan complémentaire.
Le tribunal a clairement rappelé que le compte rendu ne peut se limiter à une description. Il doit orienter, alerter et conseiller.
III. Le prescripteur : une obligation de lecture des clichés
Dans un autre arrêt récent, la Cour d’appel a condamné un chirurgien qui n’avait pas personnellement consulté les images du scanner abdomino-pelvien prescrit pour des douleurs post-opératoires. Le compte rendu du radiologue, incorrectement rassurant, n’avait pas mentionné une perforation duodénale rétro-péritonéale pourtant visible.
La Cour a jugé que le prescripteur, en sa qualité de spécialiste, devait être capable d’interpréter les images. Sa négligence à le faire a été considérée comme fautive. Le radiologue, quant à lui, a été condamné à garantir son confrère à hauteur de 60 %, pour avoir failli à son obligation de description rigoureuse.
IV. Doute diagnostique : obligation d’investigation complémentaire
Une troisième affaire, en cours d’appel, illustre un autre type de manquement : celui de ne pas lever un doute par des examens complémentaires.
Un radiologue identifie une image suspecte sur une IRM cérébrale, dans un contexte de céphalées atypiques. L’image est située sur l’artère communicante antérieure, topographie classique des anévrismes. Bien que le radiologue ait exprimé un doute, il n’a ni prescrit de séquence complémentaire (gadolinium), ni sollicité un angioscanner.
L’expert judiciaire a retenu une faute : l’existence du doute imposait une investigation plus poussée. L’absence de démarche proactive a conduit à un retard de diagnostic d’un anévrisme de 3,5 mm pourtant visible sur les images.
V. En résumé
- Le compte rendu doit être interprétatif, argumenté et conclusif.
- En présence d’anomalies visibles, ne pas se contenter d’une simple description.
- Si un doute existe, il faut soit demander des séquences supplémentaires, soit contacter le prescripteur.
- Il ne s’agit pas uniquement d'exécuter la prescription mais d’exercer un rôle actif dans le parcours de soin.
L’analyse des décisions judiciaires récentes confirme une tendance de fond : la responsabilité du radiologue, en tant que spécialiste de l’image, est généralement plus sévèrement appréciée que celle du prescripteur. Toutefois, aucune des deux fonctions ne peut se défausser sur l’autre.
L’examen radiologique est un acte collaboratif, où l’expertise du radiologue doit éclairer la décision clinique du prescripteur. Dans un contexte de judiciarisation croissante, la rigueur du compte rendu, la traçabilité des décisions, et la qualité de la communication interprofessionnelle sont les meilleurs remparts contre les litiges.