Par une rencontre en novembre 1988 qui a déclenché une réaction, un peu comme un catalyseur. Une femme que je ne connaissais pas est venue à l’hôpital Broussais me demandant de m’occuper de la fracture d’un enfant opéré en France et de prendre en charge un autre enfant venant de Dakar. Et plutôt que de faire du cas par cas, comme j’avais un passé humanitaire assez important, je lui ai dit :« Madame, on va structurer les choses ». On pense souvent que les créations d’associations interviennent après des études chiffrées sur un état des lieux. Pas du tout, elles naissent de rencontres qui sont des déclencheurs. La Chaîne de l’Espoir a été créée au sein de Médecins du Monde, puis a eu son statut juridique d’association en 1994.
Ça, c’est l’acte fondateur. Le pivot du dispositif, à ce moment-là, c’était la famille d’accueil qui prend en charge l’enfant de A à Z. L’acte fondateur est magnifique, ce sont à chaque fois des histoires de vie incroyables. Mais pour nous médecins, très vite on a vu les limites de ce système et nous nous sommes donnés comme objectif, d’opérer les enfants dans leur pays, si possible par des médecins que nous aurons formés dans ces pays et dans des structures construites sur leurs territoires. Ceci dit, ça ne se fait pas en un jour, cela demande du temps. Mais aujourd’hui, les chiffres parlent d’eux-mêmes, nous opérons environ 5 000 enfants par an dans 32 pays. Et nous en faisons venir en France entre 100 et 120. Ainsi, chaque semaine, un enfant ou deux arrive en France pour y être soigné. Mais notre principale tâche, c’est la formation. Notre credo c’est bâtir et former.
L’Afrique principalement, l’Asie et le Moyen-Orient où nous avons monté sept hôpitaux dont le plus important est un hôpital pédiatrique qui se situe à Kaboul, et nous travaillons aussi auprès des enfants syriens. En Asie, nos objectifs sont, en grande mesure, déjà réalisés, notamment au Vietnam et au Cambodge.
Oui, nous avons aussi une action en France, qui intervient auprès des exclus des soins et des personnes sans-papier. Dans ce cas-là, on se greffe sur des associations qui ont des structures solides. A l’arrivée, notre plus grande action en France concerne le parrainage des enfants dans les hôpitaux. C’est-à-dire qu’il y a des familles, proches des familles d’accueil, qui décident d’accompagner les séjours hospitaliers des enfants qui sont sans famille ou qui ont des problèmes sociaux. C’est une action assez méconnue mais qui est magnifique.
Ce sont toutes ces histoires qui vous ont donné l’envie d’écrire votre livre* paru l’hiver dernier ?
On dit toujours qu’il n’y a pas de miracle en médecine. Mais au-delà de la médecine, ces histoires d’enfants sont de vrais petits miracles : le cumul des volontés, les rencontres et l’engagement nécessaire de personnes qui ne se connaissent par pour essayer de sauver tous ces enfants. J’ai opéré et côtoyé des milliers d’entre eux et certaines histoires restent dans ma mémoire. Ce sont celles-là que j’ai voulu mettre en lumière.
Je fais encore beaucoup de consultations à l’étranger et je retrouve toujours les anciens. Ce qui est très touchant. Certains sont devenus infirmiers, d’autres médecins. Certaines familles ont même donné, à leur frère ou sœur, des noms qui se rapprochent du mien. La base de notre fonctionnement à la Chaîne de l’Espoir, c’est que, si, sur place, nous n’avons pas des antennes locales qui nous permettent de diagnostiquer et de suivre les enfants, nous n’intervenons pas.
Elle a occasionné un blocage évident, ne serait-ce que pour les transports aériens, ce qui fait que pas mal d’enfants ont été victimes de ce blocage. En revanche, l’épidémie nous a, comme beaucoup de monde, conduit à changer notre façon de faire, même si nous avions déjà commencé à développer des actions à distance en direct, comme pour les échographies. Aujourd’hui, je suis complètement « zoomé », si je puis dire, on ne peut plus s’en passer. C’est peut-être d’ailleurs le seul côté positif de la situation que nous vivons. C’est illimité. Un exemple qui date de la semaine dernière : nous sommes en train de réhabiliter une structure hospitalière à Madagascar. Nous avions un rendez-vous Zoom entre le promoteur, les médecins malgaches, les gens du ministère de la santé de Madagascar et un ingénieur d’Annecy qui travaille aussi sur le projet. Et ça marchait. Mais sinon, le blocage est réel. D’autant que nos structures hospitalières sur place ont été réquisitionnées pour s’occuper des patients covid. Ce qui fait que nos activités ont été arrêtées pendant environ 4 ou 5 mois.
La Chaîne de l’espoir est-elle toujours aujourd’hui à la recherche de volontaires ?
Comme notre activité est surtout très chirurgicale, mon premier appel est à destination des chirurgiens et des anesthésistes : venez-nous rejoindre ! Mais la porte est ouverte à tous, notamment les pédiatres et les généralistes, puisqu’en médecine, on parle de staff médical. Nous sommes aussi grandement en recherche de volontaires infirmiers et de kinés pour dispenser des formations sur place, car il y a encore souvent peu de kinésithérapeutes locaux dans les pays où nous intervenons. L’un des credo de La Chaîne de l’Espoir, c’est : « ici je soigne, là-bas je sauve » !
*Leur vie, c’est ma vie, Ed du Cherche-Midi, 176p, 17,50 euros (préface du Dr Eric Cheysson)
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Crédit photo : Pascal Stelletta
Propos recueillis par François Petty