Cela a commencé pendant mon externat où j’ai moi-même éprouvé un début de troubles en santé mentale. J’ai eu vent de cette formation et par la suite j’y ai participé pour devenir secouriste. J’avais trouvé cette formation tellement inspirante que je me suis dit qu’il fallait la rendre accessible à un maximum de personnes, en commençant par la faculté de médecine de Paris où je suis mon cursus. L’idée était de faire en sorte que la majorité des étudiants en santé, toute filières confondues et pas uniquement médicale, y ait accès. C’est le projet que j’ai porté avec l’Agence Régionale de Santé d’Ile-de-France et la faculté.
En débloquant les financements nécessaires qui ont permis de développer, avec l’association Premiers Secours en Santé Mentale France (PSSM), des formations qui nous donnent la possibilité à nous, les étudiants en santé, de devenir formateurs à notre tour. Cela permet un accès immédiat et direct à nos condisciples qui vont mal. Parce qu’on sait que les troubles en santé mentale sont une réalité chez les étudiants, notamment chez les étudiants en santé. De récentes études documentent que plus de 20 % souffrent de troubles dépressifs et 10% ont des idées suicidaires.
Elle dure deux jours et est répartie sur quatre demi-journées qui peuvent être étalées dans le temps. La première matinée consiste en un premier « déblayage », qui explique ce qu’est la santé mentale, un concept assez récent. Ensuite, très vite, on entre dans le vif du sujet dès l’après-midi : « comment aborder une personne qui ne va pas bien, comment évaluer la situation, savoir s’il y a une crise ou pas, et surtout comment apprendre à écouter activement, sans jugement, pour réconforter et informer ». Tout ce dispositif est appliqué sur deux jours sur un large spectre de troubles possibles : les troubles dépressifs caractérisés avec des idées suicidaires, les troubles anxieux, les conduites addictives, les attaques de panique… Il repose à la fois sur des supports théoriques, via des diaporamas qui expliquent par exemple les 10 symptômes de la dépression, mais surtout sur des mises en situation par petits groupes. 16 apprenants, répartis en groupes de 4, réfléchissent à comment intervenir face à une personne en détresse. Ensuite, on procède à de réelles mises en situation à travers des jeux de rôle. Et à la fin, on « débriefe ».
Nous avançons très bien. Ce que nous avons réussi à produire à l’Université Paris Cité est particulièrement innovant. Je suis récemment allé à un congrès de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), pour présenter ce qu’est PSSM. Je leur ai fait part de mon expérience et expliqué comment, concrètement, appliquer ce projet dans leur propre université, notamment en présentant la manière la plus efficace de remplir les bons documents administratifs, ce qui n’est pas toujours évident quand on est étudiant (créer un budget prévisionnel…). Les retours sont excellents, le dispositif est en train de s’étendre au niveau national, en métropole comme en Outre-Mer. La faculté de Nantes a pu le mettre en place auprès de leur ARS, ainsi qu’en Guadeloupe. Enfin, nous avons publié un article de recherche qualitative dans la revue « Frontiers in medicine* » la semaine dernière sur l’intérêt des PSSM chez ces futurs étudiants formés selon le triptyque : intérêt en tant que citoyen, en tant qu’étudiant et en tant que futur professionnel de santé.
* “Mental health first aid training among healthcare French students: a qualitative study” : https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmed.2023.1268277
PSSM : https://pssmfrance.fr/
Propos recueillis par Pierre Nusswitz
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